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La tumultueuse Amérique (1960-90) du photojournaliste Jean-Pierre Laffont

Né à Alger en 1935, Jean-Pierre Laffont a débuté sa carrière comme photographe de stars à Paris. Mais son rêve, depuis toujours, c’était d’être photojournaliste. Et les États-Unis le « fascinaient ». L’Amérique est pour lui le « paradis des photographes », un paradis où la liberté d’expression est valeur absolue. C’est grâce à cette liberté d’expression qu’il va pouvoir, sans censure, représenter les événements controversés d’une Amérique en pleine mutation.


La noirceur d’une New-York encore sale et dangereuse, la guerre du Vietnam, la prison de Cummins Farm, les rassemblements hippies de la génération sex, drugs and rock n’roll, le scandale du Watergate, la montée du mouvement noir américain et la tyrannie du Ku Klux Klan, l’Amérique pauvre de l’Arkansas, la première Gay Pride, Jean-Pierre Laffont a tout vu ou presque. Il a saisi l’envers du décors d’une Amérique où les prostitués de la 42ème rue dansent contre les voitures des policiers, où les femmes font la guerre, où les Savage Skulls du Bronx, vêtus de cuir, se battent contre les dealers. Une Amérique, en somme, bien loin de l’American dream. Partout à la fois et avec un regard transversal, il photographie la gloire, les maux et les moeurs d’une nation à la fois adulée et controversée.


Jean-Pierre Laffont nous narre l’odyssée de trois décennies d’une Amérique agitée, il nous raconte les soubresauts d’une nation chamboulée. Des funérailles de Martin Luther King au départ de Nixon en passant par le lancement d’Appolo XI, Jean-Pierre Lafont est témoin de ces grands événements qui ont fait l’Histoire américaine. Mais cette Histoire est avant tout son histoire. « J’ai vu l’Amérique avec un oeil étranger » écrit-il dans Le Paradis d’un Photographe, Tumultueuse Amérique (1960-1990). L’Amérique qu’il photographie, c’est son Amérique, l’Amérique qu’il veut comprendre.


Comprendre, c’est l’objectif qui l’anime. Dans une interview donnée aux Échos en décembre 2014, l’artiste raconte qu’après avoir été intrigué par un entrefilet dans la presse qui indiquait que 250 tombes avaient été découvertes dans une prison d’Arkansas, il a pris l’avion jusqu’à Little Rock pour comprendre ce qu’il s’y déroulait. « Et j’ai compris. » déclare-t-il. Il révéla à l’Amérique entière ce qu’il se passait réellement dans cette prison : les trustees (prisonniers en fin de peine chargés de garder les autres prisonniers, à qui l’on donnait un fusil et une mule) opprimaient les autres prisonniers, qu’ils tuaient quand ceux-ci ne leur obéissaient pas.

« D’une photographie de Jean-Pierre Laffont peut naître un film » dit le réalisateur Matthieu Almaric, invité de France Culture le 11 septembre 2015. Et c’est vrai. Derrière chaque photographie de Jean-Pierre Laffont, il y a une aventure. Dans un entretien avec un journaliste de Vice.fr, toujours à propos de cette prison d’Arkansas, il raconte : « Vers 4 heures de l'après-midi, l'un d'eux, me sentant présent avec mes appareils photo, s'est lancé sur les gardes : ce qui a déclenché une bagarre générale que j'ai photographiée. Quand ça s'est calmé, les gardes n'ont pas voulu que je garde ces photos. J'ai refusé de leur donner. (…) Je me suis précipité sur ma voiture et me suis sauvé. ». C’est ce risque, cette spontanéité et cette instantanéité qui font toute la puissance de ses clichés.


L’instant. Il parvient à saisir l’éphémère d’un phénomène entier qui le dépasse. C’est le reflet du bâtiment des Nations Unis dans les yeux de Martin Luther King donnant un discours sur la guerre du Vietnam, c’est ce baiser volé de deux amoureux dans la foule du rassemblement de Power Ridge dans le Connecticut, c’est la colère de Muhammad Ali juste avant la revanche du « match du siècle » contre Joe Frazier en 1973, c’est tous ces moments qu’il capture l’espace d’un instant pour nous faire ressentir ce qu’il a vu.


Cette exposition rend un bel hommage à la sensibilité d’un artiste, qui, à travers ses clichés nous invite à voyager avec lui dans cette Amérique en convulsion. Une invitation au voyage que l’on ferait tous bien d’accepter…


Exposition « Tumultueuse Amérique » à la Maison Européenne de la Photographie à Paris jusqu'au 31/10/15.

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