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TAKE ME (I'M YOURS) : L'expo où tout doit disparaître


La première chose frappante ce sont les gens qui sortent de l’exposition : ils ont un sac rempli, comme s’ils revenaient plutôt du supermarché que d’une galerie d’art contemporain. Et en effet, en rentrant, une femme nous donne un sac en papier, style grande surface américaine, qu’on peut, et même qu’on doit, remplir de petits morceaux des oeuvres qui sont présentées.


Oui, on peut toucher à tout et déplacer les oeuvres. Dans chaque salle on est invité à prendre un des objets exposés. Dans la première, trois énormes amoncellements de fripes ont été érigés. On peut choisir un vêtement et un seul. Les gens fouillent, les enfants montent sur les tas, les vêtements sont attrapés, déplacés, reposés, jetés, et nous face à ça, on est un peu déconcertés : ce n’est pas vraiment la vision que l’on avait d’une exposition d’art contemporain, on se croirait plutôt Chez Tati pendant les soldes. La deuxième salle n’est pas moins déroutante : elle est entièrement tapissée en cartes postales représentant la Tour Eiffel, et là aussi, on peut se servir.


​Ensuite on nous propose de laisser un objet à nous (vieux ticket de métro, stick à lèvre, tampon, bonbon, feront l’affaire) et de prendre un objet qu’une autre personne avant nous a laissé. Puis on se retrouve nez-à-nez avec un squelette que l’on peut réduire en poudre et sniffer (véridique : des rails d’humérus sont prêts sur une table), un immense tapis de bonbons à la menthe, ou de pilules qui tombent du plafond (il y a même un verre d’eau à côté pour les téméraires qui veulent se risquer à en avaler une). Au coeur de l’exposition, un photomaton nous attend, qui développera une photo que l’on gardera et une autre que l’on sera invité à accrocher dans la pièce, non sans avoir auparavant pris le temps de dessiner sur les murs. C’est hyper ludique, on se prête au jeu de bon coeur, et on prend vraiment plaisir à déambuler dans toutes ces salles un peu étranges, curieux de savoir ce qui nous attend derrière la porte suivante.


En fait, la véritable oeuvre d’art, c’est ce concept de participation du public, de partage et d’échange, de dissémination des oeuvres. Ce que l’on voit ce sont trois gigantesques amas de vêtements (sales pour la plupart), un photomaton, une salle recouverte de cartes postales, une autre de tags (aux slogans assez attendus, d’ailleurs : « God save the queen », « burn that book », entre autres). Tout cela dans de très jolis salons du XVIIIème siècle au coeur de la Monnaie de Paris, avec fenêtres qui donnent sur la Seine. Alors oui, c’est très chouette et très ludique, le cadre est magnifique, mais avouons que ce n’est pas non plus le comble de l’innovation et encore moins de la beauté. Bien qu’étant absolument novice en terme d’art contemporain, l’idée que les concepteurs, Christian Boltanski et Hans Ulrich Obrist, aient cédé à une certaine facilité m’a effleurée. Certes imaginer une exposition qui se partage et où tout le monde crée l’art est novateur, mais on reste une peu sur notre faim : la visite est très courte, et esthétiquement un peu limitée, même si elle soulève un flot de questions : quelle est la place du spectateur ? N’est-il pas plutôt un consommateur ici ? Qu’attend-on de lui exactement ? Et de l’artiste ? Chacun trouvera ses réponses (ou non).


Finalement j’en suis ressortie contente d’avoir passé un bon moment, bien qu’un peu frustrée que l’exposition soit si courte, mais surtout en me demandant où s’arrête l’art et où commence la banalité et auquel des deux je venais d’être confrontée.

TAKE ME (I'M YOURS), exposition d'art contemporain à La Monnaie de Paris, jusqu'au 8 novembre 2015. Tarif étudiant : 8 euros.

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