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L'homme irrationnel : aux frontières de l'immoralité


Le public impatient a enfin pu découvrir la nouvelle pépite signée Woody Allen : « Irrational Man », sorti dans les salles françaises depuis le 14 octobre. Le film, qui avait remporté un franc succès lors du dernier festival de Cannes, n'en finissait plus d'intriguer par son casting : Joaquin Phoenix arrivant en tête d'affiche, mais aussi parce le fameux réalisateur déjanté renouait avec un registre bien connu : celui de la comédie dramatique, penchant parfois même vers le thriller.


Que faut-il donc retenir de ce cocktail explosif réussi ?


Woody Allen se pose en véritable spécialiste de la mise en scène et surtout du jeu d'acteurs, en créant une histoire toujours plus abracadabrantesque sur le sens de la vie, domaine dans lequel il est passé maître depuis bien longtemps. Le petit bonhomme à lunettes réussit en effet à nous livrer une oeuvre mélangeant les genres avec une habileté maîtrisée, et c'est ce qui frappe sûrement le plus lorsque l'on se plonge au cœur de l'histoire. On sent que le réalisateur a pris du plaisir à faire ce film qui rappelle beaucoup de ses œuvres, bien qu'elles soient parfois très différentes les unes des autres.


On y découvre donc un Joaquin Phoenix impeccable en professeur de philosophie littéralement dépressif et quelque peu alcoolique sur les bords. Cet « Homme irrationnel » nommé Abe Lucas débarque sur le campus universitaire d'une petite ville en vue d'y enseigner son art, et tisse des liens très (trop?) rapidement avec une étudiante passionnée incarnée par Emma Stone, nouvelle actrice fétiche d'Allen. Cette dernière avait déjà été fortement remarquée dans son précédent film, Magic in the moonlight, et crève ici l'écran dans le rôle de Jill, une élève envoûtée par son mystérieux et incompréhensible professeur. Sa désillusion progressive s'accorde parfaitement avec la stupeur grandissante du spectateur au fur et à mesure du film. C'est enfin le grand retour au cinéma de la brillante Parker Posey qui campe Rita Richards, collègue d'Abe en mal d'affection présente au milieu du duo insolite Stone-Phoenix.


Toute cette mise en scène nous pousse ainsi à croire que l'on est en plein dans une fraîche comédie romantique dont Woody Allen a le secret. Mais à la manière d'un Match Point, le film prend soudainement une tournure dramatique et existentielle, installant une sorte de tension qui ne cesse de croître : Abe Lucas se découvre une raison d'exister dans la préparation d'un crime, convaincu que cet acte sera sa manière à lui de rendre justice à son prochain. Le spectateur se retrouve ainsi pris dans un dialogue entre le bien et le mal, la raison et la folie, la passion passagère et l'amour véritable, au travers de l'obsession d'un homme finalement très égoïste. Car il est inévitable de constater que Woody Allen nous offre ici un personnage profondément torturé et inconséquent qui n'a finalement d'autre considération que lui-même et sa recherche personnelle d'un bonheur qu'il ne sait plus comment atteindre.


On comprend facilement pourquoi le choix de Woody Allen s'est porté sur le grand Joaquin Phoenix dont la réputation n'est plus à faire : ce dernier excelle en effet dans des rôles très complexes, voire proches de la folie, comme dans Gladiator en empereur despotique ou dans The Master, en fervent disciple d'un gourou.


On peut en tout cas dire que l'étonnant Abe Lucas, cet homme irrationnel qu'il incarne ici, nous montre peu à peu son vrai visage à mesure que les minutes s'écoulent : on passe de la compassion pour un homme instable et désireux de retrouver le sourire, à la peur totale d'un fou à lier prêt à tout pour réaliser un but obsessionnel. Emma Stone assiste à cela, un peu impuissante, et le découvre tel qu'il est réellement en même temps qu'un public de plus en plus ébahi. Cette montée d'adrénaline s'achève finalement de façon grandiose et surprenante, dans un cynisme toujours très propre aux films de Woody Allen, et dont on vous laissera découvrir l'ampleur.


L'Homme irrationnel invite finalement chacun d'entre nous à réfléchir sur les limites mêmes de l'être humain : jusqu'où l'homme est-il prêt à aller pour connaître l'ivresse, pour croire au bonheur ? Vous le saurez peut-être en vous précipitant dans les salles de cinéma !

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L'Homme Irrationel, un film de Woody Allen, actuellement au cinéma.

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