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« On essaye de mettre du sentiment, là où il n’y en a plus » - Interview du groupe Pandra Vox

Une semaine après leur concert au Bus Palladium, nous avons retrouvé Sandra et François du groupe Pandra Vox, deux artistes passionnés, drôles et engagés. À peine attablés à la terrasse d’un café parisien, François, le bassiste, donne le ton : « On fait beaucoup de digressions, ça va être très dur, bon courage ! » et Sandra, la chanteuse du groupe, d’ajouter : « Et le bassiste dit beaucoup de conneries ».



Comment s’est formé Pandra Vox ?


Sandra : À la base nous étions un groupe qui s’appelait Danaïad. Courant juillet 2015 nous avons changé de direction artistique. De Danaïad, nous sommes donc passés à Pandra Vox, mon nom de scène étant « Pandra ». On a effectué une sorte de réinitialisation du projet tout en conservant quelques morceaux de Danaïad qu’on a reboostés.


François : On a, à ce moment là, accueilli Benjamin Cohen-Lhyver, le pianiste, qui vient à peu près du même univers musical que moi, le jazz-rock.


©Régis Dondain


Comment se déroule l’écriture des morceaux ?


S : En principe, je suis toujours à la base de la composition, enfin jusqu’à l’arrivée de Benjamin, le pianiste, dans le groupe. L’un des morceaux qu’on a écrit, Hambach, parle de la dernière forêt d’Europe en Allemagne. Elle va être détruite. Certains se battent pour sa préservation depuis plusieurs années maintenant. C’est une énorme industrie énergétique, un truc bien dégueulasse. Ils détruisent tout.


F : À la base, nous partons d’un texte et de quelques accords, d’une mélodie. Puis tout ce qui est arrangements va être fait par l’ensemble du groupe. On essaye d’aller tous dans la même direction, de ne pas être complétement hors-sujet. Que le batteur ne se mette pas à faire du reggae, moi de la funk…car on a tous nos petites tendances.


S : Le processus de composition est multiple : t’as une partie purement instrumentale, le travail de groupe, le fait que toutes les inspirations réunies fonctionnent. Puis t’as le travail d’écriture du texte qui, selon les morceaux, me prend des heures. Ensuite, c’est des heures de travail tous ensemble.


F : C’est presque de l’artisanat en fait : t’enlèves ce qu’il y a en trop, tu ponces, tu te dis « ah bah non ça ce n’était pas de très bon goût », « ça, ça ne colle pas ».


S : Aussi, on se voit beaucoup et on prend vraiment le temps de se dire les choses. On a de la chance, ça se passe vraiment très bien entre nous.




On sent vraiment que votre musique mélange différents styles...


F : On a tous une formation classique à la base. Moi j’ai fait du contre chant et de la contrebasse.


S : Moi j’ai fait 7 ans de solfège, de chorale et de chœur.



Comment définiriez-vous votre style de musique alors ? Nous on l’a étiquetée à du trip hop, mais on a sûrement tort…


S : C’est hyper dur de s’auto-étiqueter. Je préfère que l’auditeur décide. Rien que le trip hop c’est 40 influences. Nous ce qu’on fait ne recouvre pas toute la définition du terme « trip hop ».



Par rapport au public, comment ça se passe ? Vous testez sur eux les morceaux puis les modifiez ?


F : Déjà au Bus Palladium, on en a testé deux nouveaux. Généralement, on va voir quelques personnes en leur demandant ce qu’ils en ont pensé. Quand les gens sont contents, t’es là : « yessss ».


S : La première fois que tu joues un nouveau morceau devant le public, ça vibre d’une nouvelle intensité par rapport à ceux que t’as déjà joués avant. Du coup, t’as un ressenti immédiat avec le public, tu vois si ça marche ou pas.


F : Quand ça marche pas c’est dur…Tu retournes au garage puis tu retravailles. Après chaque concert chacun debrief, chacun décrit ce qu’il a pensé à chaud.


Comment avez-vous vécu le concert de samedi au Bus Palladium ?


S : C’était bien, on a passé un bon moment. On a eu un bon accueil. C’était positif pour moi !


P : Bien ! En plus c’était une scène mythique. Après on aurait voulu jouer plus tard, plus longtemps. Pour enflammer à 21h30, c’est chaud. Victoire partielle : t’as envie d’y retourner pour mettre à genoux le Bus Palladium. Une petite envie de revanche.

©Régis Dondain


À propos des paroles, Sandra, on a l’impression qu’elles sont toutes assez tristes…


S : Mais pas du tout, c’est très gai ! Non je rigole. En principe j’écris de façon spontanée : ça peut être des causes que je défends, un cheminement spirituel ou des règlements de compte. Comme j’écris sur ce qui me touche, je n’écris pas sur les moments joyeux de ma vie, ça m’amuse pas, en fait. C’est con, peut-être que ça serait bien. Mais c’est sûrement moins libérateur.


F : Puis qui à envie d’entendre ça ? « Je suis heureuse, ma vie et meilleure que la vôtre ». Super, on est content pour toi.


S : Les gens ont Facebook pour ça. Ils postent leurs photos de vacances.


F : Ou des photos de chats.


S : Les textes sont sur le site. Je trouve que c’est important de pouvoir les lire et les comprendre. Je parle souvent en métaphore et je sais que je ne donne pas beaucoup d’indices. Faut avoir envie de lire entre les lignes et d’interpréter à sa façon aussi. Chaque morceau a de toute façon une portée universelle.


©Régis Dondain


On sent quelques fois de la colère dans vos morceaux. Y a-t-il des causes que vous défendez ? Des choses qui vous énervent ?


S : Je parle d’anciens soldats qui se remémorent leur passé et se remettent en question car ils ont tenu des armes. Quand je vois que des écoles sont bombardées j’ai du mal à rester insensible. On est bombardé d’actualités tout le temps et on ne réagit même plus à ça.


F : On est comme un anti BFM : on essaye de mettre du sentiment là où il n’y en a plus.



D’après ce que vous dites, on a l’impression que vous avez un côté engagé, sans tomber dans les clichés bien sûr.


S : C’est partir d’un fait pour ensuite essayer de regarder sous un axe différent. Tu vois par exemple, dans Set Them Free, la première de l’EP sur les soldats, le mec au début est en haut du mur et tire, tire, tire sur des ombres et peu à peu le mur s’écroule, les ombres deviennent des gens et il se rend compte petit à petit de ce qu’il est en train de faire. Ensuite c’est un processus d’empathie. J’essaye de me mettre à sa place, je veux lui dire « mais putain qu’est-ce qui t’est arrivé ? ».


F : Mais on se prend la tête quand même. Par exemple j’ai écris le groove de basse comme un décalage de fusil qui devient de plus en plus fort car ce qu’il a fait le hante à partir du moment où il devient conscient de sa stupidité. On est ensemble basse-batterie, on crée une rythmique qui va s’adapter à son langage.


S : On peut être cyniques. On a cette volonté, parfois, de manipuler les figures pour en rire.


F : C’est du sarcasme. Quand on attaque sur un slow pour parler de boat people (NDLR dans This is not a fishing boat)...




Pandra Vox ? C’est seulement ta voix ? Et les autres ?


F : C’est vraiment sa voix. Moi je me considère au service de ce qu’elle a envie de dire. Si je suis vraiment en désaccord avec le texte je lui dis, et encore.


S : On a fait une chanson sur le doute mystique, Lord. Je parle de spiritualité, pas de religion. Lui est complètement athée. Moi, je ne le suis pas. On ne partage pas la même conception de la spiritualité, mais il la joue quand même.


F : Ouais mais ce qui est amusant c’est que j’écris ma ligne en affirmant qui je suis. Ça va être une métrique égale, pas de place au hasard ou au contraire une sensibilité maîtrisée. Tu dis quelque chose mais moi derrière je vais le dire peut-être un peu autrement. C’est complètement crypté. Elle pose la question « pourquoi ? ». En contre chant de ce qu’elle dit, ma ligne de basse répond : « mais parce que RIEN ». Ma réponse est groovy, sèche et pragmatique. Mais c’est juste mon avis.


S : C’est hyper intéressant en attitude scénique. Il se recroqueville et progressivement il fait 1m20, il a disparu au fond de la scène et moi je suis là, les bras levés au ciel.


F : J’ai vraiment du respect pour la chanteuse qui doit s’immoler devant tout le monde. Nous les instrumentistes on a une assurance, une protection que les chanteurs n’ont pas.


S : T’es obligée de te mettre à nu. La pudeur, ce n’est pas pour la scène, même si je suis très pudique par ailleurs.


©Régis Dondain


Pouvez-vous nous parler de la couverture de l’EP avec les hameçons ?


S : Les hameçons pour leur tranchant et la douceur que, toi, tu peux avoir en essayant de passer entre eux. De toute façon, la vie est semée d’hameçon. Il ne tient qu’à toi de ne pas te faire transpercé.


F : Je trouve que c’est une belle image de la féminité : dans l’adversité, rester dans une douceur. Personnellement j’ai l’impression que les hameçons je vais tous les bouffer. Mais c’est cool si t’arrives à les éviter.


S : J’ai l’impression que même quand je me les prends, ça fait mal mais ça finit par cicatriser. Il y a tout un processus de guérison. L’EP parle de ça en fait, d’espoir.


Ne manquez pas le prochain concert de Pandra Vox au SuperSonic, le 12 mars 2016 !

L’entrée est libre, venez nombreux !

Nous, on y sera !

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