The Revenant : une expérience grandeur Nature
- Emilien Diaz
- 28 févr. 2016
- 5 min de lecture
Nous avions quitté Alejandro Gonzalez Iñárritu avec l’excellent Birdman (2015) auréolé des Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur, nous le retrouvons un an plus tard à la baguette de The Revenant, basé sur l’histoire vraie du trappeur américain Hugh Glass, interprété par l’irrassasiable Leonardo DiCaprio. Attendu comme le film de l’année, The Revenant pèse à lui seul 11 nominations aux Oscars et on voit mal comment la récompense suprême pourrait échapper une fois de plus au Roi Léo, tant sa performance est remarquable.

La vengeance à tout prix :
L’histoire se déroule en 1823. Les hommes du capitaine Andrew Henry (Domhnall Gleeson) sont en pleine expédition et se dirigent vers l’Ouest américain afin de traquer des bêtes sauvages nécessaires au commerce de peaux. Parmi eux, le trappeur Hugh Glass (DiCaprio) accompagné de son fils Hawk. Né d’une mère indienne, ce dernier est très mal perçu au sein du camp et John Fitzgerald (Tom Hardy) n’hésite pas à se servir du jeune garçon comme bouc-émissaire. Lors d’une chasse, H.Glass est attaqué et grièvement blessé par un grizzli. Miraculeusement en vie, le trappeur s’avère être un poids pour ses compagnons qui le laissent pour mort en pleine forêt, sous un froid glacial. Habité d’un sentiment de vengeance indescriptible, l’homme va lutter pour sa survie et tenter de retrouver ceux qui l’ont abandonné. La chasse aux animaux sauvages se transforme alors en une chasse à l’homme des plus violentes, ponctuée par le risque pesant de croiser les indiens Arikaras, ennemis jurés des américains.
Un bijou de réalisme :
Après le succès de Birdman, The Revenant était attendu au tournant, et le moins que l’on puisse dire est qu’il a répondu à bien des attentes. De ses mains de maître, Iñárritu a réalisé un bijou cinématographique qui ne pourra pas vous laisser indifférents. Filmé dans des conditions inédites (100% en lumière naturelle), The Revenant est un modèle de réalisation, en témoigne la première scène de bataille où les plans séquences s’enchaînent magistralement, de telle sorte que le spectateur a réellement l’impression de suivre chaque mouvement des acteurs. Le rendu final est impressionnant de réalisme et les nombreux détails de mise en scène et de jeu des figurants n’ont clairement pas été laissés au hasard ! Oui, la violence est présente et le film ne manque pas de scènes difficiles, de plans sanglants, parfois à la limite du gore (H. Glass vidant un cheval de ses entrailles pour s’y abriter), mais elles contribuent à un réalisme parfait. Il ne s’agit pas de faire des éclats Tarantinesques mais seulement de replacer le trappeur à sa condition humaine : l’homme du XIXème siècle, perdu dans un empire de neige et de froid, luttant seconde par seconde pour sa survie. En cela, The Revenant ne fait pas dans l’exagération, mais il nous touche au plus profond de nous-mêmes, il nous prend aux tripes et nous fait ressentir chaque douleur du protagoniste comme si nous les vivions. La scène de lutte entre l’ours dominant et l’homme affaibli suffit à illustrer ce ressenti.

Une prouesse grandeur nature :
Comme à son habitude, Alejandro Gonzalez Iñárritu a pris des risques en matière de réalisation, il faut bien ça pour créer la machine à Oscars qu’est devenu The Revenant. Le parti-pris de tourner en lumière naturelle, au milieu des paysages canadiens et argentins est peut-être le meilleur choix du réalisateur mexicain. Le film offre des images fantastiques de la nature dans toute sa splendeur. Les paysages, de jour comme de nuit, sont plus somptueux les uns que les autres et chaque feuille, chaque branche, chaque gouttelette d’eau révèle une beauté naturelle parfaitement captée par les caméras d’Iñárritu. Le réalisateur de 52 ans n’a pas hésité à prendre son temps pour filmer, usant de contre-plongées souvent adaptées et de panoramas grandioses pour montrer la nature, le plus simplement possible, comme un hommage au cinéma de Tarkovski. Cette beauté de l’image, qui soit dit en passant se passe très bien de grande musique, est donc une excellente surprise car ce n’est pas forcément sur ce point que nos attentes étaient fondées. Si le tournage en plein air n’a sans doute pas été facile pour les acteurs et les équipes techniques, le résultat est bien là, et vous donnera à coup-sûr l’envie de voyager dans le grand nord Canadien.
Un rôle à Oscar ? Un rôle à Leonardo !
Oublions un instant les récompenses, oublions le fait que Leonardo DiCaprio n’ait jamais été récompensé aux Oscars malgré son énorme filmographie : Titanic, Aviator, Le Loup de Wall Street, Inception, Shutter Island... pour ne citer qu’eux. Tout cela n’est finalement qu’artifices et anecdotes : logiquement une récompense doit venir après la performance, et un rôle n’a pas à être pensé et conçu dans l’unique but de décrocher la précieuse statuette. C’est malheureusement l’idée que les médias ont construite autour du personnage de Hugh Glass. Mais le Roi Léo n’a plus rien à prouver, et sa performance dans The Revenant est aussi ahurissante que remarquable. L’acteur américain a mis tout le monde d’accord avec une performance de haute-volée qui devrait marquer l’histoire du cinéma, à n'en pas douter. Ramper, nager, manger de la viande crue, dormir dans une carcasse … le rôle ne donnait pas forcément envie, mais il a été tenu à merveille. L’absence de longs dialogues est un peu plus révélatrice du génie de Leonardo DiCaprio, qui retranscrit parfaitement sur son visage l’état d’esprit de son personnage. La parole est intutile, le masque suffit : il ne joue pas la douleur, il la vit, il ne joue pas la vengeance, il la ressent réellement. Le résultat est saisissant et le spectateur partage chaque instant de la vie du trappeur comme s’il les vivait.

Dans the Revenant, DiCaprio est génial, c’est incontestable. Il aura largement mérité l’Oscar que tout le monde lui promet ; mais que dire de la performance de Tom Hardy en traitre infâme et fourbe, prêt à tout pour satisfaire ses désirs personnels. L’acteur principal du dernier Mad Max est tout aussi bluffant que son compère d’Inception, et le personnage de J.Fitzgerald lui va à merveille ! Nommé pour l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, l’acteur de 38 ans devrait voir sa carrière prendre une nouvelle dimension.
On attendait beaucoup de The Revenant, et le film a largement dépassé nos espérances. Alejandro Gonzalez Iñárritu a réalisé un petit bijou cinématographique qui devrait satisfaire un large public, s’étendant des fans de Léo, aux amoureux de la nature en passant par les cinéphiles avides de scènes sanglantes. Après un tournage rude et éprouvant, qui a débuté alors que le montage de Birdman n’était pas encore terminé, le réalisateur mexicain aura bien mérité ses récompenses, et un peu de repos. Avec 11 nominations aux Oscars, The Revenant devrait rafler une bonne partie de la mise, et Leonardo devrait sortir du Théâtre Dolby avec le sourire.
Courrez donc en salles voir The Revenant ; si votre réception sera probablement différente, les 156 minutes passées dans la peau de Hugh Glass, trappeur héroïque, vous feront forcément quelque chose. The Revenant n’est pas un film, mais une expérience à vivre, entre frissons, admiration de la nature et réalisme saisissant.
Emilien DIAZ
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